mardi 1 janvier 2013

Emmanuel Burdeau

Bonjour. Je vais juste dire quelques mots d’introduction à ces rencontres autour de la critique sur internet.

Deux étapes préalables ont mené à la rencontre de ce matin.

D’une part, comme vous le savez peut-être, le mois de juin cette année a correspondu aux vingt ans de la mort de Serge Daney, critique de cinéma, Serge Daney longtemps rédacteur en chef des Cahiers du Cinéma, longtemps responsable et même d’abord créateur des pages cinéma au sein de Libération, l’homme qui ensuite a créé la revue Trafic et qu’on reconnaît de manière assez unanime aujourd’hui comme l’un des très grands critiques, sinon le plus grand critique, non pas de tous les temps, mais de ces trente ou quarante dernières années. En tout cas une figure particulièrement importante et dont d’ailleurs la postérité aujourd’hui dépasse le cadre de la seule critique de cinéma. Mais laissons cela, ce n’est pas le thème du jour.

Il se trouve que le vingtième anniversaire de sa mort a suscité plusieurs types de rencontres, célébrations, colloques. L'une de ces rencontres s’est tenue à la Cinémathèque Française, à Paris, où plusieurs de critiques ont été invités à parler de la manière dont ils pensaient s’inscrire ou pas dans la continuité de Serge Daney. Or, ce moment là, il m’est apparu, comme à d’autres, et notamment à ceux qui sont ici à ma gauche, qu’il était un peu étrange de se demander ce que la critique était devenue sans inviter personne parmi ceux qui, aujourd'hui, exercent cette critique en ligne, via internet.

Comme beaucoup de gens, je suis un peu ce qui se passe sur les réseaux sociaux. J’ai pu constater qu’un certain nombre de représentants de ces sites – je ne peux pas dire qu’ils s’en sont plaints – trouvaient que ce n’était quand même pas tout à fait approprié. Pour parler de la critique aujourd’hui, faire revenir toujours les mêmes, Libération et d’autres – j’aurais dû choisir un autre exemple, Le Parisien Libéré ou L’Ecran Français, pour prendre des journaux qui n’existent plus – convoquer toujours les mêmes ne nous permettait pas vraiment de poser la question réellement au présent.

C’est un élément que j’ai retenu.

Ensuite, il se trouve que j’ai été invité, avec Christophe Kantcheff, rédacteur en chef de Politis, qui ce matin, va mener le débat, que nous avons été invités tous les deux à participer à un séminaire sur la critique qui s’est tenu aux Etats généraux du film documentaire de Lussas à la mi-août. Deux jours de discussion passionnées, extrêmement fortes, au cours desquelles, en fait, on n’a cessé, les uns et les autres, de faire référence à la critique sur internet, d’espérer avoir des interlocuteurs pour en parler plus précisément. Il y avait bien quelqu’un qui était là, qui anime un blog documentaire, mais en fait il était le seul. Et on a ressenti aussi ce manque, d’une façon un peu différente qu’à la Cinémathèque, le manque de critiques pouvant parler précisément, directement, de ce que c’est aujourd’hui, dans quelles conditions économiques, financières, humaines, dans quels projets, ceux qui font de la critique sur internet, le font.

L’idée de ces rencontres, dont je suis content de voir qu’elles attirent du monde, sont un peu les premières en la matière. De ces deux événements, le petit ratage de la Cinémathèque, si je puis dire les choses ainsi, puis la promesse énoncée à Lussas qu’on avait envie de prolonger, est née l’idée de faire appel à Christophe Kantcheff, qui, pour reprendre une expression chère à Sidi Sakho, était un peu mon allié – ou bien j’étais le sien lors de ces rencontres à Lussas –, l’idée de faire appel à lui pour mener les débats ce matin.

Christophe va présenter les quatre personnes que nous avons sollicitées.

Mais avant, je voudrais remercier Christophe d’avoir accepté cette invitation, venue un peu à brûle-pourpoint, remercier aussi les quatre intervenants d’avoir accepté, avec beaucoup de disponibilité et, je crois, d’envie, ce que je comprends, parce que c’est la première occasion qui nous est donnée de parler d'un fait extrêmement important aujourd’hui.

La dernière remarque que je voudrais apporter – je pense qu’effectivement tout ça va être développé – est que, comme je le disais déjà brièvement hier, contrairement à ce qu’on dit souvent avec un peu de paresse, un peu de hâte, internet aujourd’hui, certes c'est Allo Ciné et d’autres sites où les films sont évalués en deux lignes. Mais internet, c’est aussi et peut-être surtout, l’endroit où s’écrivent les choses les plus étonnantes, les moins dépendantes de l’actualité directe, les plus longues, les plus originales, c’est là que les moyens de la critique sont vraiment en voie de renouvellement.